Christian

 

Christian

Je lève la tête pour saluer une dernière fois Christian qui me regarde de son balcon en ouvrant et en fermant la main pour me dire ciao-ciao, à demain-à demain, on se voit demain. Le soleil est doux. Je ne devais rester qu’un week end à Nice, mais j’ai prolongé de quelques jours. Quitter cette ville est toujours une déchirure. Je me souviens de ma souffrance quand j’ai dû aller à Paris, vivre, travailler. Il faudra un jour que je ne reparte plus d’ici. Je vous écrirai pourquoi.

Christian et moi avons parlé du réel et de son double, de tout ce qu’on se raconte qui peut nous éviter de voir de front la réalité. Nous avions prévu de faire un montage audio avec Avid. On a commencé à dérusher, mais peu à peu nos lectures ont pris le pas et la psychanalyse l’a emporté. Christian lit Lacan. En cherchant à préciser divers arguments que L’Irritant Nom du Père a laissés dans le flou, peut-être volontairement, peut-être par négligence ; quoi qu’il en soit ce n’est pas sans notion de connotation. On peut concevoir que les Antécédants de type Marcus, les Répliquants de type Rodolphe, leur vie qui devient de plus en plus brève depuis quelques mois, les Doubles, qui ne sont pas monolithiques mais composites, sans être toutefois des Répliquants de dernière génération — car, ces Répliquants ne  réfèrent pas seulement à un Antécédant mais à plusieurs grands autres et sont « la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » (peut-être cette rencontre a-t-elle eu lieu sur le billot d’un boucher, où leurs yeux se sont rencontrés) – peut-être –,  un mot nomme et signifie immédiatement plusieurs choses à la fois, parfois ces mêmes choses sont antinomiques, parfois non ; quelquefois elles sont tout à fait autres des grands Antécédent. C’est comparable à l’analyse sémantique des zoonymes. Christian doit prochainement préciser les rapports qui peuvent exister entre les Antécédants attestés et les Répliquants auxquels ils renvoient comme aux Doubles qui sont aussi des allusions de premier type, mais qui diffèrent des premiers, car sans mémoire, sans souvenirs. On pourrait croire qu’il sont non référables dans le syntagme du domaine. Des flexions taxinomiques, des variables déclassés qui se bouffent entre eux sans raison.

Son personnage Rodolphe subira-t-il le processus de rhotacisation ? C’est peu probable, sauf s’il se met à table ou qu’il s’endort. Le tripode marque-t-il l’impossibilité du trigramme?

Je me perds derrière la place Garibaldi. Rue Papon. Une partie du Mont Boron s’élève au bout de cette rue parallèle à la rue Barla. Elle pourrait aussi bien s’appeler rue Bousquet et ne pas porter le nom de cet abbé qui à le même nom de famille que Maurice Papon. Je regarde au loin. Le paysage a changé, comme si on y avait introduit une épenthèse. Et des sons rouges. Des ondes scalaires aussi. Un souvenir s'affaiblit. Dans ce souvenir, il y a un coup de feu avant le grand bruit de verre : des miroirs qu’on casse.


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